Plutôt que comme occupation. Au bout du temps l'on a l'impression, parfois un peu nauséeuse, d'avoir tout dit. Mais l'on n'a jamais tout dit, ou plutôt, l'on n'écrit jamais rien que ce que l'on peut écrire, peu de choses en fait, devant l'immensité de ce qu'il y aurait à dire, qui nous dépasse si grandement ; dans l'intervalle, la question cruciale, crucifiante plutôt, est de savoir si l'on est, un peu, le moins du monde, entendu ; si l'on est, un peu, le moins du monde, écouté. Parce que laisser une trace est une chose, bien sûr, un mouvement vers sa propre perduration, comme une idée de l'infini ; un infini nécessairement éphémère toutefois.
Laisser une trace est une chose, mais encore faut-il que cette trace vienne dire quelque chose à quelqu'un. À tout un peuple, à tout un monde. Qu'elle ait, de cette façon, tout à la fois une efficacité sur le réel et une raison d'être. Même si dans l'acte d'écrire cette préoccupation ne devrait pas passer première, elle est néanmoins présente, sauf à l'abandonner : ici l'on trouve la modestie, l'écrire pour soi ou pour le tiroir ; à l'inverse, certains veulent être publiés et reconnus avant même que de se mettre au travail de l'écriture.
Or le travail d'écrire est difficile ; difficile parce qu'il y a bien des caps à passer, des efforts à faire, des choses à accepter. Par exemple l'écriture de la description, l'écriture du Réel, ou encore l'écriture des dialogues, de l'action, de l'introspection, tout cela demande de la réflexion et du travail, d'autant que tout, déjà, aurait été écrit : il ne reste guère qu'une minuscule voie, celle de la subjectivité absolue. On en connaît depuis longtemps l'origine, la méthode ; le plus compliqué est de s'y résoudre, de plonger dans ses propres profondeurs, quelles qu'elles soient. Sadiques ou fleur bleue. Plouf !
Écrire, c'est avoir tous les droits. Mais être choisi, lu, apprécié, entendu, écouté, c'est encore autre chose. Il faut que quelqu'un croie en vous, ne vous lâche pas au milieu du gué, vous soutienne coûte que coûte jusqu'au bout. Comment provoquer cela ? Y a-t-il une recette, une martingale ? Qui peut se vanter de l'avoir trouvée ? Et de l'avoir trouvée, peut-on, et veut-on la transmettre ?
L'écriture est une préoccupation de tous les instants : elle s'érige contre les tempêtes qui veulent l'abattre, contre les découragements, face aux forces contraires, aux contraintes intérieures et extérieures. Il faut à chaque fois reprendre, à chaque fois se remettre en selle comme en scène.
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